Un paysan chinois possédait deux jarres. L’une d’elles était fêlée, tandis que la seconde conservait parfaitement toute son eau. Tous les matins, lorsque l’homme ramenait l’eau du puits, la première jarre perdait presque la moitié de son précieux contenu en cours de route. De longs mois durant, le paysan ne ramena qu’une jarre et demie d’eau à chacun de ses voyages.
Naturellement, la jarre parfaite était très fière de parvenir à remplir sa fonction sans faille du début à la fin. La jarre abîmée, elle, avait honte de son imperfection et finit par se sentir déprimée de ne réussir à faire son travail qu’à moitié, malgré toute sa bonne volonté.
Finalement, la jarre endommagée s’adressa au paysan:
« Je me sens coupable. Je te prie de m’excuser », dit-elle. « Mais pourquoi? lui répondit le paysan, de quoi as-tu honte? » « Je n’ai réussi à porter que la moitié de ma cargaison d’eau, et ce pendant des mois et des mois, à cause de cet éclat par où l’eau fuit. Et par ma faute, malgré tous tes efforts, tu ne rapportes que la moitié de l’eau que tu as puisée. » Le paysan, touché par cette confession, lui dit, avec une grande tendresse: « Pendant que nous rentrons à la maison, regarde bien les fleurs qui poussent de ce côté du chemin »
Tandis qu’ils remontaient le long de la colline, la vieille jarre vit de magnifiques fleurs sur le bord du chemin, ce qui lui mit du baume au coeur. Mais à la fin du parcours, elle se sentait toujours aussi mal, car elle avait encore perdu la moitié de son eau. Le paysan lui dit alors: « T’es-tu rendu compte qu’il n’y avait de si belles fleurs que de ton côté? Et presque aucune du côté de la jarre parfaite? C’est parce que j’ai toujours su que tu perdais de l’eau et que j’en ai tiré parti. J’ai planté des semences de fleurs de ton côté du chemin et chaque jour, tu les as arrosées sans même t’en rendre compte. Grâce à toi, et depuis des mois, je peux cueillir de magnifiques fleurs qui ont décoré ma maison. »
Extrait du livre de Fabrice Midal « Méditer pour les nuls »